Opération HAMILTON : deux E-3F au cœur du raid aérien sur la Syrie

Dans la nuit du 13 au 14 avril 2018, l’Armée de l’air a mené des frappes en Syrie avec la Marine Nationale et ses alliés américains et britanniques. Cette opération trilatérale visait des objectifs liés au programme chimique clandestin du régime syrien. Deux E-3F SDCA de la 36ème Escadre ont effectué chacun plus de 13 heures de vol pour assurer la conduite et le commandement de ce raid aérien historique.

Une préparation intense

Dès l’annonce du gouvernement le lundi 09 avril 2018 de lancer l’opération HAMILTON, la France s’est préparée à mettre en œuvre un raid demandant une élongation et une envergure sans précédent. Cette opération stratégique consistant en un aller-retour vers la Syrie, située à 3 500 kilomètres de la métropole, sans escale, afin de frapper des lieux de production et de stockage d’armements chimiques clandestins.

La réactivité dont a fait preuve la 36ème Escadre a permis à nos AWACS d’être prêts à décoller avec l’ensemble du dispositif en moins de 48 heures (cf. chronologie). Pour cela, les équipages d’alerte ont été rappelés dès le lundi matin ainsi que l’appareil qui était alors déployé au Qatar dans le cadre de l’opération CHAMMAL.

A alors débuté une préparation de mission conditionnée par le tempo des décisions politiques : quels seront les moyens dont nous disposerons ? Quand partirons-nous ? Seule certitude : la participation américaine ne se fera qu’à la condition qu’un E- 3F, chargé de la mission AEW[1] et de la fonction TAC C2[2] aéroportés, soit intégré au raid, signe de la crédibilité acquise par les aviateurs d’Avord sur l’Opération CHAMMAL…

En effet, si la France a initialement pris la décision de lancer l’opération de façon unilatérale, le raid est progressivement devenu tripartite avec les participations américaines et britanniques. Il a donc fallu, au fur et à mesure de la préparation de la mission, prendre en compte de plus en plus de moyens. Grâce à l’interopérabilité acquise par de nombreux opérations et exercices partagés, la planification de ce raid a été naturelle et de nombreuses interactions ont été nécessaires pour finaliser les procédures particulières, allant des « what if » aux règles d’engagement, en passant par les fréquences à utiliser, sans parler du plus important : qui commandera pendant l’opération…

Une opération d’envergure

Vendredi 13 avril aux environs de 20h00, deux équipages prennent place à bord des E-3F 202 et 201. Le premier emporte à son bord un officier de Liaison de la Marine Nationale, une haute autorité de défense aérienne et de coordination et un officier de liaison américain. Le second appareil intervient en soutien pour renforcer la capacité de détection (les 2 avions s’échangent en continu leurs informations et leurs situations aériennes respectives), permettre une continuité de la mission pendant les phases de ravitaillement en vol des E-3F et offrir une solution de reprise immédiate de la mission en cas de panne du premier appareil. De plus, un troisième E-3F, le 204, était prêt au sol pour remplacer un éventuel avion en panne ou pour assurer la posture permanente de sureté du territoire français avec un équipage dédié.

Les 2 SDCA décollent de la Base aérienne 702 à 21h00 locales, en même temps que 3 avions ravitailleurs C-135. Ils seront bientôt rejoints par 5 autres C-135 qui ont décollé des Bases aériennes de Mont-de-Marsan, 5 RAFALE de Saint-Dizier et 4 Mirage 2000-5 de Luxeuil.

Le raid français ainsi constitué se dirige vers la Méditerranée orientale et sera rejoint en route par les aéronefs alliés que les AWACS surveillent et contrôlent pendant toute la durée de l’opération.

Les Américains, dont l'essentiel de la force de frappe est maritime, greffent au raid français, 4 F-16 et 4 F-15 qui partent d'Italie, ainsi que deux bombardiers B-1B et des avions ravitailleurs. Les britanniques décollent de Chypre avec 4 Tornado, 3 EF2000 et un A330 Voyager qui rejoindront le dispositif en phase finale.

Les capacités de détection de l’AWACS permettent de repérer tout ce qui vole, flotte et qui pourrait représenter une menace pour le raid. L’identité des navires et des aéronefs (civils et militaires) est confirmée et une classification est réalisée pour l’ensemble des aéronefs, navires et systèmes de défense sol-air positionnés dans la zone de responsabilité et en Syrie. Aux premières heures du 14 avril, à peine arrivés au large de la Syrie, nos Awacs se découvrent un client bien connu, un A-50 Mainstay, l’équivalent russe de l’Awacs et son escorte. Ils resteront au beau milieu du canal de Syrie pendant toute la durée des frappes dans une posture défensive.

Placés sous le commandement du chef d’état-major des Armées et sous le contrôle opérationnel du CDAOA[3] dont le centre de commandement et de conduite est placé sur la Base de Lyon Mont Verdun, nos AWACS sont au cœur de la mission durant toute l’opération. Ils assurent l’intégration du raid dans l’espace aérien, la coordination de l’ensemble des moyens (air, sol et maritime), la gestion du réseau L16 ainsi que la fonction de TAC C2 c’est-à-dire le commandement des opérations par la JMC[4], les officiers de liaison Marine et américain à bord, la communication en temps réel avec le CNOA[5], l’établissement et la transmission de la RAP[6] et de la RMP[7] aux différents moyens participants au raid ainsi qu’au CAOC[8] d’Al Udeid au Qatar.

Dans les Awacs, l'ambiance est silencieuse. Chacun joue concentré sa partition, résultat de l’entraînement permanent et de cette longue semaine de préparation.

03h00 locales, heure française, l’ordre de tir est donné. Nos AWACS assurent le contrôle aérien et la déconfliction des aéronefs amis et positionnent les moyens de protection en miroir des forces russo-syriennes pour éviter tout risque de confusion et obtenir une meilleure coordination des effets. Le chef de mission coordonne tous les moyens à sa disposition (frégates de la Marine Nationale, Tornado britanniques, Rafale français, moyens navals et aériens américains) pour saturer les systèmes de défense antiaérienne ennemis tout en assurant la sécurité des aéronefs dans la zone et en permettant à l’ensemble des missiles d’arriver simultanément sur les objectifs.

Les cibles liées au programme chimique clandestin du régime syrien sont détruites. Les avions ayant réalisé les frappes prennent le chemin du retour. Nos E-3F resteront près de 3 heures supplémentaires pour réaliser la surveillance de la zone le temps de couvrir le trajet retour des différents moyens vers l’Europe.  

La mission accomplie, les appareils rentrent à leur tour vers la France. Ils atterrissent à Avord aux alentours de 11h00…

 

Un objectif atteint

Répondant aux objectifs stratégiques fixés par le Président de la République, l’Armée de l’air a démontré sa capacité à intégrer, commander et coordonner une opération interalliées et interarmées complexe sur une vaste zone à plusieurs milliers de kilomètres de la métropole.

Afin de coordonner ce dispositif d’envergure, l’E‑3F SDCA aura été un vecteur précieux, en mesure de tout détecter dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres et même bien au-delà grâce à l’apport du réseau L16 établi avec les moyens aériens et navals participants à l’opération. Une présence d’autant plus indispensable que, pour nos alliés américains, « NO AWACS » signifiait « NO GO », signe que désormais une opération majeure ne peut se concevoir sans AEWet C2aéroportés…

Mais cette opération n’aurait pu aboutir sans le soutien indéfectible de la Base aérienne 702 d’Avord, totalement impliquée dans la préparation de cette mission, démontrant une fois encore, s’il en est besoin, qu’elle constitue un véritable outil de combat et que chaque aviateur, quelle que soit sa spécialité, est un maillon essentiel à la réussite des opérations…

 

Chronologie

 

[1]AEW : Airborne Early Warning

[2]C2 : Command and Control

[3]CDAOA : commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes

[4]JMC : Joint Military Coordinator

[5]CNOA : Centre National des Opérations Aériennes  

[6]RAP : Recognized Air Picture

[7]RMP : Recognized Maritime Picture

[8]CAOC : Combined Air Operation Center